mardi 10 avril 2012

Lavement des pieds

Vitrail de la cathédrale de Raingej, Inde

Il y a quelques mois, je voyageais dans le nord de l’Inde avec deux compagnons quand l’un d’eux nous invita à nous arrêter chez lui pour nous reposer. Ayant traversé un camp de réfugiés du Bangladesh, nous sommes arrivés devant une petite maison au toit de tôles où nous attendait son épouse, un enfant attaché dans le dos. Après les salutations et un thé chaud préparé à l’indienne, quelle ne fut pas ma surprise quand je vis cette maman se prosterner, détacher les souliers de mon compagnon, lui laver les pieds puis les sécher soigneusement. La regardant, je ne vis aucune contrariété ou nervosité mais plutôt une grande paix, jusqu’à un sourire et une grande élégance dans les gestes. Ma première réaction intérieure fut un refus. Je ne voulais pas cela pour moi. Après coup, je me suis rendu compte que je ne pouvais pas refuser cette attention sans la blesser et la laisser avec une question sans réponse.
« …Jésus, sachant que son heure était venue, l’heure de passer de ce monde au Père, lui qui avait aimé les siens qui sont dans le monde, les aima jusqu’à l’extrême…Jésus se lève de table, dépose son vêtement et prend un linge dont il se ceint.  Il verse ensuite de l’eau dans un bassin et commence à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge dont il était ceint. » (Jean 13, 1,4-5)
Laver les pieds : quand nous dépassons la routine qui nous atteint parfois, cet acte nous laisse bouche bée ! La compréhension de ce geste, telle que l’évangéliste Jean l’a perçue, peut nous laisser avec une sorte de vertige ! Il comprend que cet acte, commun entre tous, est une étape du retour de Jésus au Père, elle fait partie du chemin qui le conduit à lui. Ce chemin inclut les plus grands extrêmes que nous puissions imaginer : l’abaissement volontaire et la glorification. Ce n’est pas un hasard si la parole « extrême » se trouve dans cet évangile. Elle donne le sens plénier de ce geste surprenant mais non insensé. Au contraire, il confirme l’identité de serviteur que Jésus a choisie au début de sa vie publique. Aimer jusqu’à l’extrême ! Ne serait-ce pas comme accepter que la promesse de la fleur du printemps se confirme dans le fruit de l’été, malgré les tourmentes et les orages ?
Défis
Face à l’adversité et aux difficultés de la vie, il y a diverses réactions possibles : nous pouvons tenter de nous échapper, perdant ainsi l’opportunité de croître en notre humanité. Nous pouvons nous y « noyer », perdant la boussole qui donnait l’orientation jusqu’alors. Nous pouvons aussi travailler à sculpter cette difficile réalité, comme l’artiste qui affronte la masse pesante du marbre pour en sortir une œuvre d’art qui le remplit de joie, malgré l’effort et la sueur. Il n’y a aucun jugement de valeur dans la description de ces diverses réactions, seulement le rappel que nous sommes plus que ce qui nous arrive et que nous pouvons lui donner un sens. Ainsi, par exemple, se fondant sur ce qui les  unit dans le mariage, assumant la déception de l’absence de famille, des couples décident d’adopter des enfants en situation de vulnérabilité. Triomphe d’un amour plus fort que l’adversité !
Pourquoi cette maman indienne souriait-elle en lavant les pieds de deux inconnus, un geste qui n’a rien d’agréable ? Par pure hypothèse, ne serait-ce pas qu’au-delà du respect de la tradition de son peuple, elle a découvert, simplement, qu’elle créait un monde différent ?

Champ de thé, West Bengale, India